Raymonde FERRANDI

La relation à l’autre aussi bien qu’à soi est de plus en plus infiltrée par les NTIC : distanciel, correcteur orthographique, ...jusqu’à la substitution de l’un des protagonistes – voire des deux - par les IA génératives. Quels sont les effets de ce nouvel outil de médiation ? Facilitation ou bien parasitisme, voire destruction de compétences ou de la subjectivité ? D’autre part ces technologies se sont imposées à l’échelle planétaire, mais en s’intriquant à des traditions très diverses. Leur usage et leurs effets sont-ils partout uniformes ou bien varient-ils selon les cultures ?
Différents travaux (Bossière, 2021 ; Ganascia, 2022 ; Marry, 2022 ; Alombert, 2023 ; Pollman, 2024) ; ainsi que des ouvrages grand public (Desmurget, 2019 ; Cohen, 2022 ; Patino, 2019, 2022) ont alerté sur le risque de perte cognitive et de désubjectivation. Dans de précédents articles nous avons interrogé le rôle des NTIC dans l’enculturation et l’humanisation, la formation, la création et le maintien du lien social, la rencontre amoureuse, en allant dans ce sens, mais en soulignant aussi le rôle de l’appropriation de ces nouvelles technologies par la culture, pour investir affectivement et gérer ce qui est devenu familier. Il s’agira ici d’affiner, et de dresser un inventaire des points critiques à surveiller, sans vouloir être exhaustive.
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Nous proposerons quelques éléments de réponse à ces questions en fonction de notre expérience de psychologue-psychanalyste, mais aussi des observations que nous avons l’occasion de réaliser et de la documentation relevée dans les médias. Il s’agit donc d’une méthode inductive, parfois réflexive, caractérisant une démarche d’action-recherche.

La société actuelle semble réaliser une hybridation homme-machine d’autant plus indissoluble qu’une technologie dominante est aussi une technologie définissante, modifiant non seulement le monde, mais notre représentation du monde. Pour le meilleur (perceptions amplifiées, synthèses inattendues pouvant être source d’émergence) et pour le pire (totalitarisme informatique). La question fondamentale est donc de ne pas perdre de vue la direction évolutive dans laquelle, en tant que citoyens du monde, nous souhaitons engager l’humanité, avant que le courant actuellement dominant ne devienne irréversible. La diversité culturelle pourrait, à cet égard, jouer un rôle de garde-fou, en préservant différents modèles et différents fonctionnements. À noter que les frontières culturelles semblent se déplacer du géographique au politique, en mettant en présence deux modèles : l’écosocialisme et l’écoféminisme, versus des dictatures technologiques le plus souvent patriarcales.