Titre de la communication
Gérard Vergnaud (1933-2021) un chercheur au potentiel interculturel méconnu
Résumé de la communication
Cette étude s’inscrit dans une recherche en épistémologie des sciences, l’objectif est de comprendre le rapport des scientifiques en sciences humaines et sociales à leurs méthodes en tenant compte de leur environnement historico-culturel. À partir de la figure de Gérard Vergnaud (1933-2021) chercheur français et acteur de plusieurs réseaux scientifiques transnationaux, les tensions entre des dimensions universelles versus spécifiques dans la construction des connaissances scientifiques en psychologie de l’apprentissage sont investiguées. La démarche est historique, elle se base sur différentes sources : entretiens, archives, correspondances, publications conservés par le chercheur jusqu’à son décès. Le parcours professionnel, militant et personnel de ce scientifique héritier notamment du suisse Jean Piaget mais aussi de manière plus méconnue du russe Lev Vygotsky est retracé en considérant sa dimension transnationale d’une part et interculturelle d’autre part.
Les travaux de Gérard Vergnaud sur la conceptualisation en action, ont marqué le champ de la psychologie de l’enseignement des mathématiques mais aussi celui de la formation professionnelle. Ce français, doctorant de l’université de Genève et chercheur au CNRS, s’est développé dans une perspective scientifique au-delà de frontières nationales ou européennes. Des échanges entre 1967 et 1968 évoquent ainsi ses difficultés pour entrer sur le territoire américain en raison d’une trop grande proximité avec le parti communiste ou des syndicats. Ses rencontres avec des chercheurs d’autres nationalités le marqueront toute sa vie : Jean Retschitzki et Vinh Bang durant ses années de doctorant de Jean Piaget en Suisse, Tatiana Galkina et Elena Samoylenko lors de projets de recherche avec des collègues du bloc soviétique, Ester Pillar Rossi au Brésil... Si l’insertion du chercheur dans l’espace anglosaxon de la recherche est socialement valorisé dans la France des années 60, Gérard Vergnaud n’a de cesse de proposer, dans le cadre de recherche de financements, des collaborations avec des collègues issus d’espaces moins consensuels. Il initie ainsi dès les années 70 des projets avec l’URSS et à partir des années 80 avec le Brésil. De nombreuses activités et responsabilités jalonnent le parcours de ce chercheur engagé, tout particulièrement dans des réseaux interdisciplinaires concernant la science et ses liens pour et envers la société (Groupe international PME, EARLI, AECSE…). Les collaborations entretenues avec des doctorants et de jeunes docteurs originaires de France mais aussi d’Afrique du Sud, Corée ou Martinique contribuent à identifier de quelle manière, la théorie de la conceptualisation en acte proposée par Gérard Vergnaud, repose sur une pensée originale. L’analyse des associations et réseaux scientifiques qu’il a animé, créé, présidé, renvoie aux espaces de construction et de légitimation de la science durant la deuxième partie du XXe siècle. Au-delà du positionnement de Gérard Vergnaud en tant qu’héritier à la fois de Jean Piaget et de Lev Vygotsky, les résultats mettent en avant la dimension socio-constructiviste de la vie du chercheur. Au travers des correspondances apparait un rapport à l’interculturel plus personnel et méconnu reposant sur ses convictions concernant l’émancipation des êtres humains par la connaissance en action.